Voix sans issue
Elle est jeune, elle vit à Paris et travaille à la gare du Nord. Invisible, elle annonce l'arrivée des trains, les horaires, les départs et les voies, accompagne l'éloignement, la séparation ou l'espoir. Seule elle rentre chez elle, elle attend l'appel de l'homme qu'elle aime. Un soir d'ivresse, ils se sont embrassés, mais l'homme est amoureux d'un Ange, une créature ineffaçable. Seule elle quitte son appartement pour tuer le temps dans les rues de la ville, dans ces quartiers dangereux à la nuit tombée, ces boîtes et ces cafés où la beauté est encombrante. Car la jeune femme vit là, attentive, sensible à cette réalité urbaine. Elle ne se dérobe pas, elle convoque le hasard et la sincérité comme on joue au poker. Juste pour voir, pour entendre le réel, être présente au monde. Lentement elle interpelle celui qu'elle aime. Lentement il vient vers elle. Céline Curiol met en scène l'histoire d'une femme qui, par-delà son obsession, fait preuve d'une absolue compassion pour les autres, ces inconnus des rues qui, dans l'instant, viennent bousculer son individualité. Et c'est dans cette confrontation entre l'intime et l'anonyme, entre la dépendance amoureuse et les pulsations de l'humanité que cette jeune romancière, tel un conteur expérimenté, impose une remarquable vision existentielle du monde contemporain.