Le sous-texte
Dans l’idée que c’est peut-être là son dernier livre, avec Le sous-texte Jean Duvignaud achève (dit-il) une série de réflexions “hors piste” qu’il avait entrepris de poser sur le papier dans B.-K. (Baroque et Kitsch) en 1997, Le prix des choses sans prix en 2001 et Les Octos en 2003. Il s’agissait en l’occurrence de capter des signes que nous négligeons de regarder alors qu’ils sont constitutifs de notre avenir, de demeurer “béants aux choses futures” comme le recommandait Montaigne, donc de ne pas disposer les idées reçues en rempart contre les idées naissantes, et de comprendre que des valeurs essentielles à l’intelligence du monde échappent à la cotation boursière.
Cette fois, Jean Duvignaud pousse la réflexion par d’autres voies, et il s’efforce de mettre sous nos yeux ce qui chemine “sous le texte” et commence de germer dans notre esprit avant même que les mots ne leur fixent un usage et un sens ; il nous invite à percevoir le tissage qui s’opère sous nos phrases dans les conversations, les débats, les rencontres, les effleurements ; il nous incline à ne pas confondre l’addition de nos individualités avec le “nous” que nous constituons parfois ; il nous convoque en des lieux où des élans sont nés de présences réunies par une communion des perceptions plus que par les mots qui tenteraient de les proférer ; et il nous laisse méditer sur l’incertaine origine des idées. Et tout cela est écrit comme en son for intérieur on se murmure doutes et questions.Ce subtil hommage à l’intelligence n’est évidemment pas à proposer aux pense-menu. Il est réservé à ceux qui ont compris que l’inquiétude est inséparable de l’entendement.