La maison aux orties
Si les morts voulaient bien rester tranquilles, les écrivains pourraient inventer leurs histoires en toute quiétude. Hélas, au moment où Vénus Khoury-Ghata commence ce nouveau livre, elle ne soupçonne pas clans quels conciliabules ses défunts vont l'entraîner. C'est d'abord sa mère - pourtant analphabète - qui se penche par-dessus ses pages d'écriture, l'interpelle, la critique et y va de ses propres commentaires. Surgit cette maison d'enfance entourée d'orties, où planent les ombres d'un père menaçant et d'un frère trop fragile dont l'amour de la poésie fut traité, mais nullement guéri, aux électrochocs. fuis la silhouette de jean, l'époux aimé, trop tôt et trop cruellement décédé. Et celle de M., peintre fantasque et narcissique, aux impérieuses prétentions de consolateur... Et enfin - parce que les vivants s'en mêlent aussi - le drolatique M. Boilevent, le voisin de palier, "défenseur attitré des Indiens d'Amazonie". Et encore un marabout, un cercle littéraire, et surtout quelques chats... Dehors, et ce n'est pas une coïncidence, la canicule accomplit dans la capitale son silencieux ouvrage. On n'en finit pas de vivre avec ceux qui ont fait de nous ce que nous sommes. Voilà pourquoi ce roman aux inflexions très personnelles improvise une musique orphique, mystérieuse et envoûtante, œuvre de poète autant que de mémorialiste, à lire et à entendre telle une élégie, pour que vienne la nécessaire paix intérieure.