Les Dénonciateurs
En 1943, la Colombie dresse la liste noire de tous les exilés allemands pouvant nuire au pays. Sur les traces du passé de son père, le narrateur doit assumer l'héritage de la délation que celui-ci a orchestrée.
En 1941, le président colombien E. Santos rompt les relations avec les pays de l'Axe (Allemagne, Italie, japon) et en 1943 apparaît la liste noire des exilés pouvant nuire au pays, c'est-à-dire les allemands nazis, mais aussi fatalement tous les allemands. Une simple suspicion suffisait alors à briser des vies. Un jeune journaliste colombien publie un livre sur les souvenirs d'une vieille amie de la famille, une juive allemande arrivée jeune en Colombie pour fuir la montée du nazisme et confrontée ici à une autre forme de persécution.
Pour Gabriel Santoro fils, l'ouvrage signe la rupture définitive avec Gabriel Santoro père en ce qu'il révèle une tache indélébile du passé familial. Le père avait en effet réussi à cacher durant des décennies un acte déshonorant de délation abusive et soupçonne son fils d'avoir glissé entre les lignes des indices permettant de le reconnaître ; de l'avoir à son tour dénoncé. C'est autour du drame familial que se déroule l'histoire aux multiples facettes.
Le père et le fils tentent chacun à leur façon de redonner de l'ordre aux événements et aux souvenirs, mais peut-on tirer une vérité de faits avérés ? Rien n'est définitif dans la trame du roman qui alterne les époques, les points de vue, les sources d'information. Un personnage dévoile un pan de vérité, aussitôt réajustée par une autre voix. Le père a-t-il agi par lâcheté ? S'est-il laissé emporter par les mots ? A-t-il pensé aux conséquences de ses paroles ? Le fils peut-il juger le père ? Peut-il hériter de sa culpabilité ? Leur relation est riche de tous les doutes qu'engendre cette situation paradoxale. Le roman ne comporte aucun jugement définitif. Il n'y a ni pardon ni condamnation. Ils ont « juste » appris à se connaître, sûrement ; et à s'aimer, peut-être.
Par ce drame familial extrêmement politique, l'auteur décrit un épisode du passé colombien mais aussi, par petites touches, sa tragique actualité (la violence, la crise, la peur) dans un parfait équilibre entre l'Histoire d'un pays et les histoires individuelles qui la composent.