L'Affaire Alphonse Courrier
Dans un village d'Auvergne, entre 1900 et 1917, le destin se joue d'un homme qui avait cru en être parfaitement maître. Une histoire de masques et de secrets, de feu sous la glace, construite et écrite de manière magistrale.
Bel homme, la trentaine, Alphonse Courrier décide d'ouvrir une quincaillerie à Orcival, en Auvergne. Le négoce prospère rapidement, mais Alphonse sait que, pour obtenir l'entière reconnaissance du village, il lui faut se marier. Il quitte donc Adèle, la maîtresse qu'il rencontrait secrètement deux fois par semaine, la femme la plus laide et la plus effacée d'Orcival, et épouse "miss Perfection" : Agnès, capable de laver une salade sans même éclabousser son tablier blanc. Mais très vite, Alphonse s'aperçoit qu'il a épousé une harpie, et reprend ses habitudes avec Adèle. Par ailleurs, il résiste au conformisme d'Agnès en lui imposant comme femme de ménage Germaine, une belle strabique amoureuse de lui. Avec un malin plaisir, il provoque même le scandale en la choisissant comme marraine de son premier fils.
C'est dans cette atmosphère de sentiments réprimés, de désirs inassouvis et de vengeances fantasmées que le drame se développe, pour aboutir à un final qui transforme le vaudeville en tragédie.
Pour le narrateur, une mésaventure enfantine justifie l'obsession d'Alphonse Courrier : ne jamais se laisser prendre au dépourvu. Toute sa vie sera donc guidée par le souci de ne rien laisser au hasard. Or - les tragiques grecs nous l'ont appris - cette forme d'orgueil est bien souvent châtiée. En prenant pour cadre le microcosme d'Orcival, village entouré de volcans éteints, Marta Morazzoni a construit, avec une ironie et une jubilation qu'elle transmet au lecteur, une histoire exemplaire et intemporelle.
Rebondissements et chassés-croisés se succèdent, chacun jouant sa partie sous le regard d'un narrateur tantôt docte, tantôt narquois, en tout cas maître en dramaturgie. Jeux de regards, non-dits ou demi-mots, jeux de masques (les lunettes cerclées d'or d'Alphonse Courrier, le strabisme de Germaine, la perfection glacée d'Agnès)... la métaphore du jeu est omniprésente. Jusqu'au moment où le jeu se transforme en catastrophe, aussi violente et brûlante qu'une éruption volcanique.