Le méchant vieux temps
Des amis et amies de lycée se retrouvent comme tous les dix ans selon la promesse qu’ils se sont faite quand ils étaient étudiants. L’humeur oscille entre le plaisir des retrouvailles et la panique pour chacun de mesurer son vieillissement en observant sur les autres le passage du temps. Sont-ils là pour évoquer le bon vieux temps ou pour constater l’écart entre les rêves de leurs vingt ans et ce qu’ils sont devenus. Les femmes surtout semblent s’en être assez mal sorties.
Mais le thème de la jalousie revient toujours dans les romans de Chardin et peu à peu se dessine le véritable sujet du livre. Le héros comprend qu’il n’a toujours pas dépassé (on pourrait dire digéré) la blessure amoureuse que lui a infligée vingt ans plus tôt celle qui, devenue la femme adulte qu’il a devant lui, ne lui plaît plus du tout. Pourtant il découvre qu’il est toujours jaloux de l’ami qui l’avait séduite et son amertume, devenue sans objet, reste intacte. Finalement le bon vieux temps tourne au méchant vieux temps. Le roman illustre sur le mode ironique la phrase de Proust selon laquelle on peut être jaloux sans aimer. La subtilité du style arrive à rendre presque joyeuse la cruauté du constat et légère la profondeur du propos.