L'insoumise

Auteur : Laure Adler
Editeur : Actes Sud

A la rencontre de Simone Veil, philosophe, ouvrière, militante et résistante. De la guerre d'Espagne à l'usine, de l'exil à l'engagement au service de la « France libre », un itinéraire ardent et insoumis.
« Tout est mystère en elle et c'est cela que j'aime », nous écrivait récemment Laure Adler. Et il est vrai qu'à bien des égards la personnalité de Simone Weil demeure dans l'ombre. Plutôt qu'une biographie, L'Insoumise se présente comme un récit où les oeuvres et la vie sont découverts à rebours.
Pour point de départ, Laure Adler choisit en effet la mort de Simone Weil à Londres en 1943, à l'âge de 34 ans. Puis elle procède par retours en arrière, remontant le cours du temps, comme si elle tenait à contourner les trop faciles déterminismes, l'enchaînement mécanique des causalités. Comme pour insister sur l'insoumission à elle-même de cette femme imprévisible. Lecture à rebours, également, pour creuser peu à peu en direction du plus secret, du plus initial : ombre tourmentée d'une adolescente qui ne s'aimait guère et d'une enfant qui ne se trouvait pas belle, que déjà dévoraient l'inquiétude du savoir et le désir de justice.
Mais ceci n'explique pas tout cela, et la vision rétrospective que propose Laure Adler ménage parfaitement l'effet de surprise.
Figure centrale pour comprendre le XXe siècle, tant par ses textes sur le capitalisme, les totalitarismes, le syndicalisme, que par sa vie, Simone Weil ne se contentait pas de penser le monde, elle en éprouvait toutes les convulsions. Elle fut sans doute la première « établie » de l'histoire puisqu'elle s'embaucha comme ouvrière en 1934 (elle est née en 1909) après son agrégation de philosophie. Elle ne cessera d'ailleurs jamais de militer et de soutenir le syndicalisme ouvrier durant ses années de professorat. Elle part sur le front de la guerre d'Espagne aux côtés des anarchistes et en revient dégoûtée - elle restera pacifiste jusqu'à l'entrée des troupes allemandes dans Paris.
Comprenant alors l'étendue de son erreur, elle ne cessera plus de vouloir rattraper sa "faute". Grâce au groupe des Cahiers du Sud de Marseille elle s'engage pour la Résistance, passe à New York puis en Angleterre, au service de la future France Libre du général de Gaulle... et meurt mystérieusement à l'âge de trente-quatre ans.
De cette trop brève existence, on retiendra quelques amitiés (Joë Bousquet, Boris Souvarine, Georges Bataille, Colette Peignot dite Laure, mais aussi Trotsky, les mathématiciens "bourbakistes"). On retiendra surtout des milliers de pages, car cette passionnée de philosophie, de mathématiques, d'histoire religieuse, de politique, de civilisation grecque tenait un journal, et son oeuvre théorique (parue chez Gallimard) est abondante : L'Enracinement, Lettre à un religieux, Réflexions sur les causes de la liberté et de l'oppression sociale, La condition ouvrière, La Pesanteur et la grâce (ce dernier texte, qui a été édité de façon posthume et dont le titre n'est pas d'elle, est aussi son plus connu et le plus vendu en librairie - encore un mystère !).
Récit inspiré et fervent, L'Insoumise nous propose une magnifique rencontre avec un personnage des plus marquants de notre temps. Rencontre d'ailleurs accompagnée d'une vingtaine de photographies en bonne partie inédites, qui ont été confiées à Laure Adler par la succession de Simone Weil.

20,30 €
Parution : Octobre 2008
271 pages
ISBN : 978-2-7427-7817-1
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