Docherty
«Le désespoir. Tain se sentit soudain épuisé par la complexité des termes de son existence, plongé dans une perplexité absolue devant les actes d'équilibre impossible qu'ils exigeaient. Ils voulaient vous voir respecter l'autorité lorsque l'autorité ne manifestait aucun respect à votre égard. Ils vous racontaient que votre vie pouvait avoir un sens, et vous demandaient d'y croire, alors que cela n'avait rien à voir avec ce qui vous arrivait au quotidien, dans votre maison comme dans votre tête. Pendant que votre épouse se tuait à un labeur d'esclave et que vos petits grandissaient avec pour seule perspective de se retouver au fond comme des bidets, que vos camarades s'aigrissaient de jour en jour, les patrons vous achetaient votre sueur par berlines entières, et le gouvernement ne savait même pas que vous existiez. Et Dieu parlait latin.» Le Graithnock du début du siècle est une ville-usine d'Écosse, dévouée à l'exploitation du charbon dont toutes les familles sont tributaires ; parmi elles, les Docherty. N'étant pas parvenu à épargner la mine à leurs aînés, Tain Docherty et sa femme Jenny fondent tous leurs espoirs sur Conn, le petit dernier. Mais l'enfant ressent trop violemment le décalage entre ce qu'on lui enseigne à l'école et le langage brut de son père. Et il choisit de descendre lui aussi dans la fosse, tandis que son frère Mick s'enterre dans une tranchée en France. Des «trous d'homme» dont on ne sort pas indemne. William McIlvanney a planté le décor à Graithnock, une ville imaginaire qu'il continuera d'arpenter dans ses romans plus contemporains (Big Man, Étranges Loyautés) ; et Docherty est déjà parcouru par les thèmes chers à l'écrivain : la révolte de l'homme qui s'oppose à l'inévitable et ses "étranges loyautés". Docherty a reçu le prix Whitbread en 1975. Ce roman a déclenché au moment de sa parution un grand mouvement d'écriture et suscité une nouvelle génération d'écrivains écossais.