Quand j'étais mortel
La première chose que doit savoir un écrivain de nouvelles, c'est qu'il ne dispose pas de beaucoup de temps et que le lecteur n'admet pas de perdre ce peu de temps vainement. Javier Marías le sait car ses nouvelles plaisent, intéressent et troublent dès les premières phrases. Comme dans ses romans fameux, son style atteint une tension et un fini qui empêchent le lecteur de souffler. Dans Quand j'étais mortel, nous trouvons des personnages et des situations qui resteront dans notre mémoire : un médecin espagnol qui visite la nuit les appartements parisiens de femmes mariées ; un garde du corps passionné de courses de chevaux qui finira par souhaiter la mort de l'homme qu'il doit protéger ; un fantôme qui endure la malédiction suprême, celle de savoir ce qui s'est passé dans sa vie ; une starlette du porno qui attend un tournage ; un écrivain qui expérimente la douleur sur lui-même pour un prochain livre ; un couple tué par une lance africaine en plein été madrilène ; une demoiselle de compagnie qui aimera le fantôme (cité plus haut) auquel elle lit des livres, etc. Javier Marías, qui, dans ce genre - la nouvelle - montre autant de talent que dans Un coeur si blanc ou dans Demain dans la bataille, pense à moi dit lui-même : "Je ne conçois d'écrire que si je m'amuse et je ne m'amuse que de ce qui m'intéresse. Inutile d'ajouter qu'aucune de ces nouvelles n'aurait été écrite si je n'avais pas été intéressé." Douze nouvelles écrites entre 1991 et 1995.