Journal de Westerwede et de Paris, 1902. Edition bilingue français-allemand
Le premier séjour de Rilke à Paris, en 1902, est un moment capital dans l'évolution du poète. Il a vingt-sept ans. Jusque-là il avait toujours mené une vie plus ou moins préservée, que ce soit dans la colonie d'artistes à Westerwede près de Brême ou au château de Haseldorf en Holstein où il fut l'invité du prince Erich von Schönaich-Carolatch durant tout l'été. Le monde qu'il découvre en cet automne 1902 le plonge dans un profond désarroi dont rend compte cet agenda découvert il y a peu et publié pour la première fois. C'est une période de "grand étonnement et d'effroi", écrit-il à son ami Lou Andreas Salomé. Seul dans cette "ville souffrance", sa femme ne le rejoindra que plus tard, il est confronté à un monde hanté par la présence de Baudelaire, d'appâts et de périls dont on retrouve les échos dans les Cahiers de Malte Laurids Brigge ainsi éclairés d'une lumière nouvelle dont cet agenda est le foyer. C'est à Paris qu'il apprend à s'éloigner d'une poésie encore fortement marquée par le romantisme et le symbolisme. Les contacts avec Rodin, sur qui il projette d'écrire un livre, ne sont pas moins décisifs. Ce journal met ainsi à nu la charnière capitale dans la formation du poète qui emprunte les chemins arides de l'intériorité. Bien plus qu'un témoignage.