Première heure
« Tous les matins, la tête vide et lente, j’accueille les paroles sacrées. Pour moi, les comprendre ce n’est pas les saisir, mais être rejoint par elles, être calme au point de se laisser agiter par elles, dépourvu d’intention au point de recevoir la leur, insipide au point d’être salé par elles. Ainsi, suis-je devenu un hôte chez moi des paroles de l’Écriture sainte. Je restitue en désordre une infime partie du don de pouvoir la fréquenter. » Tout au long de sa vie d’ouvrier, le matin, « une heure avant » de partir au travail, Erri De Luca lisait la Bible. Devenu un familier des Écritures saintes, il ajoute son propre commentaire à la liste de ceux qui l’ont précédé, mais un commentaire de traducteur de l’hébreu ancien qu’il a appris justement afin de pouvoir lire ces pages dans leur langue maternelle. Dans son très beau premier chapitre où il explique le sens du participe présent du mot « croyant », il dit : « Je reste quelqu’un qui lit à la surface des lettres et qui en tente la traduction selon la plus rigide obédience à cette surface révélée. » Ainsi, fidèle à cette règle stricte, il relève les indices linguistiques, répétitions, coïncidences, qui lui permettent de donner un nouvel éclairage à certains épisodes bibliques (l’épreuve d’Abraham, Moïse et les tables de la loi, Samson et Dalila, David et Goliath) dont il tire bien souvent un enseignement pour ses propres contemporains : « Un reste de sagesse est encore à portée de la main de qui parcourt attentivement les passages que les vendangeurs et les générations précédentes ont parcourus. »