Destination morgue
« Le regard que j’ai toujours porté sur L.A. est celui d’un autochtone. Je n’ai jamais vu cette ville comme une terre étrangère dépeinte par des écrivains venus d’ailleurs. C’est là que j’ai grandi. Les données que je récoltais, je les passais au crible, je les transfigurais comme un gamin peut le faire. Il y en avait pour tous les goûts. Les lignes conductrices qui reliaient entre elles les divers éléments, c’étaient la corruption et l’obsession… »
En attendant le dernier volume de sa trilogie Underworld USA, James Ellroy continue la psychanalyse sauvage de sa propre vie et de sa ville natale dans des textes percutants, comme Où je trouve mes idées bizarres (« C’est un Rubik’s cube. Le mécanisme interne affiche des souvenirs et des pensées. Des images remplacent les blocs colorés et trouvent leur cohésion en un clic. »), comme Ma vie de branleur (« Le sexe a failli me tuer. Le sexe que je parvenais à pratiquer sans contact humain. »), ou J’ai les infos (« On veut savoir. Qui couche avec qui. Qui suce qui. Qui a le bras long et du pognon. Nous nous repaissons de faits épouvantablement authentiques. ») Il passe la boxe au crible dans Sport sanglant, et dans Stephanie, un texte aussi dérangeant que bouleversant, il redit sa fascination et sa compassion pour les victimes de crimes sexuels (« Son parfum qui subsistait malgré toutes ces années –ou une illusion née de votre désir de le capter »), enfin il ramène l’inénarrable Danny Getchell dans le truculent Baisodrome d’Hollywood. Il parle aussi de son père, de la peine de mort, de la justice, de ses provocations, avec force, honnêteté voire brutalité, dans ce style coup de poing qui n’appartient qu’à lui.
C’est un alcool fort qui vous fracasse la tête.
C’est du Ellroy.