Prières pour la pluie
Après Gone, baby, gone, à l’issue dramatique, nous retrouvons les deux détectives de Dennis Lehane, Patrick Kenzie et Angela Gennaro. Mais les liens affectifs qui les unissaient sont rompus. Patrick n’a pas quitté le vieux quartier de Boston où il opère, aidé à l’occasion par son redoutable acolyte Bubba Rogowski. Angela, elle, s’est installée dans le nord de la ville où elle travaille pour une grosse société de sécurité.
C’est alors que Karen Nichols, une jeune femme posée et bien élevée dont la vie aurait dû se dérouler sans accroc, s’adresse à Patrick car elle est victime de harcèlement. Le problème est rapidement réglé avec l’aide de Bubba et tout semble rentrer dans l’ordre. Or bien au contraire, c’est ici que tout se détériore dans l’existence de Karen Nichols ; une incroyable succession de malheurs s’acharne sur elle : son fiancé est renversé par une voiture, elle perd son emploi et son appartement, puis sombre dans l’alcool et la drogue pour finir par se jeter du haut d’un immeuble de vingt-six étages.
Comment cette femme irréprochablement polie, travailleuse, presque trop naïve, a-t-elle pu se métamorphoser en une telle épave ? La police et sa famille n’y voient qu’un enchaînement de coïncidences particulièrement tragiques, mais Patrick, lui, n’y croit pas. C’est là qu’il va avoir besoin de l’aide d’Angie. Pour la première fois, le voici confronté à un tueur qui ne tombe sous le coup d’aucune loi : ni couteau, ni bombe, ni revolver. L’arme du crime est dans la tête des victimes. Il suffit de les manipuler pour qu’elles exécutent elles-mêmes le travail. Qui pourrait s’étonner d’un suicide de plus ou de moins dans une grande ville comme Boston ?
Dans ce cinquième - et dernier à ce jour - épisode des aventures de Patrick Kenzie et Angela Gennaro, on retrouve tout ce que l’on connaît et aime chez Lehane : son sens inné du rythme, son humour noir, la complexité de ses personnages, cette capacité à évoquer des lieux et à créer une atmosphère qui l’a fait comparer à Raymond Chandler et John D. Macdonald par la presse américaine. Mais il réussit encore à nous étonner en nous emmenant sur un terrain où on ne l’attendait pas, se révélant toujours plus inventif – et parfois même dérangeant – dans son exploration des déviances humaines. Après les chocs de Mystic River et Shutter Island, ce roman, mené de main de maître, ne déçoit pas un instant.