Pourquoi la guerre ?
Publié simultanément en allemand, en anglais et en français par l’Institut International de Coopération Intellectuelle, l’une des nombreuses émanations de la Société des Nations, en 1933, le fascicule Pourquoi la guerre ? est composé de deux longues lettre - l’une d’Einstein et l’autre de Freud.
Les deux auteurs, qui s’étaient rencontrés fin 1926, étaient restés en contact épistolaire. En 1932, quand l’IICI a demandé à Einstein de contribuer à l’un de ses volumes de « correspondance », c’est lui qui a proposé cet échange avec Freud sur le thème de la guerre.
Dans sa lettre, Einstein, qui venait de démissionner de l’IICI après la Conférence de Genève sur le désarmement (il n’approuvait pas le principe d’un « désarmement progressif »), rappelle ses convictions cosmopolitiques (seule une instance supranationale pourrait contribuer à éliminer la guerre) - même s’il ne semble plus y croire. Cette lettre, qui ne contient donc pas à proprement parler de « profession de foi », s’achève sur une question adressée à Freud : « Existe-t-il une possibilité de diriger le développement psychique de l’homme de manière à le rendre mieux armé contre les psychoses de haine et de destruction ? »
Cet échange est l’occasion pour Freud de revenir sur la question de la guerre. La Première Guerre mondiale elle-même et les recherches qu’il avait menées à l’époque sur les « névroses de la guerre » avaient commandé dans l’œuvre de Freud le passage de la première à la seconde topique et l’avènement du concept désormais central de la « pulsion de mort » (Au-delà du principe de plaisir, 1920). Cette réponse faite à Einstein contient la description la plus complète que Freud a donnée du phénomène de la guerre en termes de « pulsion de mort » et constitue à ce titre l’aboutissement de sa réflexion sur la guerre.
Interdit en Allemagne dès sa publication en mars 1933, il y a fort à parier que les exemplaires du fascicule Pourquoi la guerre ? qui avaient néanmoins circulé ont fini dans les autodafés du 10 mai 1933 dans lesquels les nazis ont brûlé - entre autres - les livres d’Einstein et de Freud…