Bonne conduite
Monsieur Chepkoff, grossiste en épicerie, a commandé un stock de caviar russe par l'intermédiaire de John Dortmunder. Autrement dit, Dortmunder est censé dérober les boîtes de caviar dans un entrepôt du bas Manhattan. Mais, en cherchant à échapper aux forces de police fâcheusement alertées par une alarme mal neutralisée, il atterrit... dans un couvent.
Le couvent de Sainte Philomène est bien le dernier endroit où Dortmunder souhaiterait se retrouver, lui qui a été élevé dans un orphelinat tenu par de redoutables religieuses qui avaient la main leste en matière de gifles. Malgré tout, les faits sont là, terrifiants de réalisme : il est suspendu, telle une chauve-souris, à une poutre maîtresse de la chapelle, sous les yeux écarquillés d'une nuée de nonnes. En plus il a une entorse à la cheville.
L'apparition d'un être de sexe masculin, cambrioleur de surcroît, est un cas de figure totalement inédit pour les religieuses de Sainte Philomène. Mais elles sont pleines de ressources. Mieux, elles voient en Dortmunder le sauveur qui pourra exaucer leur voeu le plus cher. L'une des jeunes novices, Soeur Marie de la Grâce, a été kidnappée par son propre père, un homme assis sur des millions qui entend bien soustraire sa fille à l'influence pernicieuse de la religion. Elle est actuellement séquestrée au soixante-dix-septième étage d'une tour au sud de Central Park. Une tour gardée comme la Réserve fédérale. C'est là que Dortmunder est censé intervenir : re-kidnapper Soeur Marie de la Grâce et la ramener au sein de la congrégation. Comme le fait judicieusement observer son ami Andy Kelp, ça pose un problème. Si seulement ça n'en posait qu'un...
Rivages poursuit la réédition des romans de Donald Westlake avec un chef-d'oeuvre de drôlerie, probablement l'un des meilleurs Dortmunder, à l'égal d'Aztèques dansants et de Dégâts des eaux. Westlake y déploie toute sa panoplie comique, tant sur le plan du langage que des situations. L'enchaînement trépidant des péripéties les plus fantaisistes entrecoupées de dialogues hilarants et de réflexions pince-sans-rire est un bonheur dont on ne peut pas se priver.