Histoires assassines

On retrouve dans ce recueil l'excellence de Quiriny, qui a tant frappé les esprits avec Contes carnivores (2008) et Une collection très particulière (2012). Les personnages et les situations rivalisent ici de fantaisie et d'inventivité, l'étrangeté de l'univers étant ici toujours mise en valeur par la clarté et la limpidité d'une narration toujours très directe et efficace. Quelque part entre Alphonse Allais, Marcel Aymé, Borges, Francis Ponge et les surréalistes belges, l'auteur fait preuve d'une inépuisable fécondité imaginative, mêlant avec un talent inimitable le burlesque au fantastique, le grotesque au tragique, l'ironie la plus mordante à l'onirisme le plus scabreux. On trouvera ici des nouvelles sur les bizarreries du corps (« Mon corps me quitte » : un homme perd ses os), la mort (« Guillotiné deux fois » : un condamné s'auto-décapite), la frontière homme-animal (« Le grand collier argenté » : une vieille folle vit entourée de papillons) - et d'autres qui côtoient le fantastique « social » hérité de Marcel Aymé, avec des situations absurdes (à quoi ressemblerait la société si l'amour charnel nous rendait momentanément bleus ?) et des héros qui ressemblent au Passe-Muraille (Renouvier, qui s'imagine féconder les femmes par la pensée). Comme dans Une collection très particulière, il y a des faux livres (« Bartleby ») et des faux écrivains (« Un écrivain par jour »), ainsi que deux fils rouges (des nouvelles par série) qui traversent le recueil, à coloration pseudo-scientifique. D'un côté, un certain Dr Hampstadt présente quelques cas cliniques étranges, vaguement inspirés des cas décrits dans ses livres par le neurologue Oliver Sacks ; de l'autre, l'anthropologue John Latourelle (homonyme du Latourelle des Contes carnivores), raconte ses tribulations dans des tribus d'Amazonie.