Les nouveaux Bovary
Madame Bovary… une femme qui rêve d’une vie plus exaltante, et qui passe le plus clair de son temps à se penser « autre que ce qu’elle est ». N’est-ce pas la caractéristique majeure de la génération des digital natives, qui a 20 ans aujourd’hui ? Rien de plus simple pour eux que de scénariser leur propre vie via les réseaux sociaux, de tenter leur chance pour devenir la star d’un jeu de télé-réalité, ou de se faire connaître grâce à un blog, une vidéo, un événement qui feront parler d’eux. D’après Georges Lewi, le « mythe de l’illusion » est la caractéristique majeure de cette génération. Une génération qui détient le pouvoir de mettre en scène sa vie, de la magnifier, de mêler le virtuel au réel grâce à la révolution induite par les réseaux sociaux.
Mais c’est aussi le pouvoir d’influencer le cours du monde, comme l’ont prouvé les événements du Printemps arabe, où un acte individuel prend forme collective, grâce à l’effet immédiat d’Internet. Le pouvoir de changer les choses est-il en train de passer de l’illusion à la réalité ?
Madame Bovary pourrait-elle aujourd’hui accéder à ses rêves, avoir son heure de gloire dans une émission de télé-réalité ou devenir une influente bloggeuse ? De nos jours, les jeunes n’hésitent plus à prendre la parole, demander des comptes, exiger de la transparence. C’est une génération internationale, née dans le règne du digital et du virtuel. Des jeunes gens qui envoient des bouteilles à la mer sur Internet, provoquent des réactions et des débats, voient gonfler l’importance de leurs messages et l’illusion (ou la réalité ?) d’un pouvoir sur les choses, depuis chez eux, sans bouger.
L’essai de Georges Lewi se décompose en 15 thèmes qui analysent les attentes et les comportements de cette génération. Il se termine sur les conséquences prévisibles pour les années à venir dans les domaines du monde du travail, de l’économie, du marketing et bien sûr des évolutions politiques qui semblent déjà se dessiner.
« Quel espoir ! Quelle abondance d’illusions… perdues continuellement le long de sa vie… » Ce sont les mots d’Emma Bovary, des mots que l’on pourrait reprendre pour qualifier cette génération qui se retrouve au carrefour d’événements historiques : 2010, la crise économique mondiale, la crise de l’Europe, la crise des régimes dictatoriaux ouvrent la perspective d’une obligation pour cette génération de prendre son destin en mains.
Les économistes et les politiques n’ont visiblement plus que des solutions de rafistolage. La génération Bovary va devoir fabriquer les nouvelles illusions qui lui permettront de passer ce cap. De leur insatisfaction criante, on peut espérer que naîtra une volonté de dépassement de soi, une créativité renouvelée.