Une paix séparée
"Comme je ne pouvais m'empêcher de le faire chaque fois que j'apercevais cette rivière, je pensai à Phineas. Pas à l'arbre et à la douleur, mais à un de ses tours favoris : Phineas, tout exalté, se tenait en équilibre sur un pied à la proue d'un canoë, tel un dieu de la rivière, ses bras levés invoquaient l'air pour qu'il le soutienne, son visage était transfiguré, son corps n'était plus qu'un ensemble complexe d'équilibres et de compensations, chaque muscle placé à la perfection par rapport aux autres pour maintenir cette réussite suprême de la fantaisie, sa peau irradiait à cause de tous ses plongeons, tout son corps était comme suspendu entre ciel et rivière, comme s'il avait transcendé la force de gravité et pouvait, par une petite poussée verticale du pied, s'élever un peu plus haut et rester en suspension dans l'espace, rassemblant toute la splendeur de l'été et l'offrant au ciel.Puis le canoë virait imperceptiblement et la ligne de son corps se brisait, l'essor de ses bras retombait, une jambe se levait vivement, incontrôlable, et Phineas basculait dans l'eau, avec un rugissement de rage."Été 1942, un internat dans le New Hampshire. Ils ont tous l'énergie, l'insouciance et les pulsions de leurs seize ans, et un héros, Phineas, plein de grâce et de fantaisie, indiscipliné, casse-cou, irrésistible.Ce récit lumineux est devenu un livre culte dès sa sortie aux États-Unis en 1959. Il fut porté aux nues par toute une génération qui pleurait silencieusement l'ombre d'un Fitzgerald trop tôt disparu.