Des corps urbains : Sensibilités entre béton et bitume
Les citadins s'en aperçoivent lorsqu'ils échangent avec des ruraux ou baguenaudent dans les vastes espaces champêtres, forestiers ou balnéaires : chaque jour, parcourant les rues, glissant dans les boyaux et les cicatrices bouturées de la ville, ils ne cessent d'adapter leur corps, de le forcer, de le contraindre. Leurs cinq sens sont soumis à la loi de cet "organisme" de béton, de verre et de fer, dans lequel les maigres éléments de nature sont enchâssés (mais non nécessairement sertis) de grilles et de chaînes... Le corps sur le bitume, comme l'arbre dans la ville, se métamorphose pour continuer à vivre, tantôt anesthésié par le bruit, tantôt enflammé par les parfums, tantôt bridé, tantôt libéré... Thierry Paquot, enseignant curieux, homme de radio et d'édition, n'hésite pas à entremêler l'histoire, l'urbanisme, la philosophie, la littérature et les sciences pour démontrer qu'il n'existe pas de "corps en soi". Mais que nos comportements, nos habitudes, notre sensibilité elle-même, fonctionnent selon une étonnante correspondance, toute baudelairienne, au monde extérieur. La violence de ce monde urbain, son aridité, sa noirceur, sa frivolité, sa langueur, son artificialité, comme ses moments de répit et ses gestes pacifiés, affectent profondément, non seulement notre rapport au corps mais aussi à notre humanité.