Miroir brisé
« Une famille, une maison abandonnée, un jardin dévasté… j’avais envie d’écrire un roman où tout cela se retrouverait. Il me plaisait de penser que cette famille serait riche et qu’il y aurait une femme d’un autre niveau social, la fille d’une marchande de poisson. Teresa : une beauté ! »
Nous sommes à Barcelone, du début du XXe siècle jusqu’aux premières années qui suivent la guerre civile. Salvador Valldaura, riche patricien, épouse Teresa pour laquelle il nourrit une grande passion. Salvador a déjà vécu à Vienne une aventure amoureuse intense conclue par un suicide d’autant plus troublant que l’auteur ne nous livre aucune explication. Il ne se remettra jamais de ce drame.
Teresa, malade, n’est plus en mesure de diriger la maisonnée. Sa fille, son gendre et ses petits-enfants sont tous plus ou moins atteints mentalement. Le très nombreux personnel féminin (le choeur de cette tragédie ?) est l’élément apparemment le plus sain. Lorsque la guerre civile se déchaîne, la villa et son parc ne sont plus entretenus. La trop grande demeure ne tardera pas à n’être plus habitée que par les rats, en attendant d’être rasée par les promoteurs.
Miroir brisé, oeuvre d’un réalisme impitoyable et cruel, est parfois un poème dont la grâce semble contredire la laideur du monde et de ses habitants.
Ce splendide roman est une des plus impressionnantes réussites de Mercè Rodoreda, la grande dame de la littérature catalane.