Revue Z N12: Guyane
Ce printemps, une dizaine de rédacteurs et de rédactrices de Z sont partis en Amazonie pour enquêter sur la soif des métaux, pierre de touche de l'accumulation capitaliste et ressort incontournable de sa poursuite effrénée. Si l'Amérique latine concentre un quart des investissements miniers du monde, la ruée est planétaire : l'extraction a augmenté de près de 80 % entre 1980 et 2008. « Montagne d'or » est le nom du plus grand projet extractif actuellement lancé sur le territoire français : une méga-mine d'or à ciel ouvert en pleine forêt amazonienne, près de Saint-Laurent-du- Maroni, en Guyane. Pour extraire près de 85 tonnes d'or en une douzaine d'années, dont une bonne partie atterrira dans les sous-sols des banques, l'exploitation, chaque jour, consommera dix tonnes de cyanure et produira 66 000 tonnes de déchets. Activement soutenu par Emmanuel Macron dès 2015, le permis minier est détenu par le groupe Nordgold, propriété de l'homme le plus riche de Russie, et par une société canadienne au nom évocateur, la Columbus Gold. Terre du mythique Eldorado inlassablement traqué par les Conquistadores dès le XVIe siècle, le plateau des Guyanes, du Brésil au Suriname, connaît depuis trente ans une nouvelle ruée vers l'or. En Guyane française, aux quatre coins de la forêt, des centaines de chantiers d'orpaillage, légaux et illégaux, menacent déjà la subsistance des Amérindiens et des Noirs marrons vivant aux bords des fleuves, aujourd'hui pollués au mercure. À l'occasion du grand débat organisé ce printemps par la Commission nationale du débat public sur le projet Montagne d'or, aux côtés d'autres Guyanais, les Jeunesses autochtones promettent de s'interposer physiquement face aux engins de chantier, tout en bataillant avec l'État pour obtenir la propriété collective des 400 000 hectares de terres revendiquées pendant le mouvement social du printemps dernier. Menées depuis cet « Amazone à défendre », ces luttes pour faire reconnaître par le droit français des formes inédites de foncier collectif entrent singulièrement en résonance avec les préoccupations des occupants de Notre-dame-des-landes et des autres zad de France. Ce numéro consacré au caractère dévastateur de l'industrie minière pose de façon critique la question de la fragilité de notre habitat terrestre. Confrontés à un assaut historique sur le poumon de la planète, les Guyanais côtoient également un lieu emblématique de l'inquiétante épopée occidentale : la base spatiale de Kourou, qui fête cette année ses cinquante ans. Bordé de bidonvilles et de cités HLM, grand comme la Martinique, cette immense base de lancement gérée par la société Ariane Espace qui, pour soigner son image aux yeux des populations locales, s'est donnée pour slogan « Gagner le ciel sans perdre la terre ». Un an après le blocage des fusées par le mouvement social guyanais, Z explore les ressorts matériels et fantasmatiques de la conquête spatiale.