« Au nom de la démocratie, votez bien ! »
D’un entre-deux-tours à l’autre, en 2002 et en 2017, la grande presse a fourni bien des efforts pour rallier les bonnes volontés autour du drapeau de la démocratie, apparemment menacée par la « bête immonde ».
Présentation de l'éditeur
« Ils ont la mémoire courte, ces médias indignés qui se sont mués en grands défenseurs de la morale. Les abstentionnistes, les partisans du vote blanc ou nul, ont été conspués. Tous. Partout. Entre divagations amnésiques et hoquets moralisateurs, les médias oublient un peu vite le rôle qu’ils ont joué depuis plusieurs décennies dans la dédiabolisation du Front national. Ce sont eux qui surfent sur la vague sécuritaire, qui se demandent si “l’Islam est soluble dans la République”, qui réfutent toutes contestations du libéralisme ou de l’Union européenne. »
En 2002, une presse unanime appelait à voter Chirac contre Le Pen au nom de la défense des valeurs républicaines d’égalité et de justice. Quinze ans plus tard, lesdites valeurs avaient été tellement laminées par trois gouvernements successifs, provoquant l’écœurement d’une immense partie du corps électoral, que la mélodie du danger fasciste dut être rejouée.
Dans les deux cas, le bel unanimisme des « nouveaux chiens de garde » s’est surtout exprimé entre les deux tours. Et puisqu’aucune évaluation sérieuse des rapports de force électoraux ne pouvait laisser penser qu’un (ou une) Le Pen sortirait vainqueur des scrutins, il a fallu frapper vite et fort pour convaincre contre toute raison de l’existence d’un péril fasciste imminent. Avec des cibles toutes trouvées : l’absentionniste, voilà l’ennemi ! Immédiatement accusés de soutenir consciemment les Le Pen pour ne pas avoir voulu donner leurs voix à ceux dont ils n’attendaient rien, abstentionnistes et votants « blanc » ont été mis au pilori par l’éditocratie. Elle s’est aussi fait un devoir de réserver un traitement spécial aux forces politiques à la gauche du PS : en accusant l’extrême gauche de semer la division en 2002 ; en accusant la France insoumise d’être fondamentalement antidémocrate et démagogique – et donc finalement pas si éloignée de l’extrême droite – en 2017.
Culpabiliser suffisamment les hésitants pour les amener à glisser dans l’urne le bulletin désigné comme le seul légitime ; renvoyer dos à dos l’extrême droite et la gauche radicale : voilà la sordide réalité, que ce livre éclaire, de ces grandes manœuvres médiatiques.