L'Etat français et le génocide des Tutsis au Rwanda
Ni aveuglement, ni erreur, le choix politique délibéré d’une poignée de responsables civils et militaires a été de maintenir le Rwanda dans la zone d’influence française, même au prix du soutien discrètement accordé à un régime ami en train de commettre un génocide.
« La réticence des magistrats à mettre en cause des militaires français pour complicité de génocide s’est traduite par le refus, à l’été 2017, d’interroger l’amiral Jacques Lanxade, chef d’état-major des armées en 1994, et son adjoint chargé des opérations, le général Raymond Germanos, au motif que les militaires sur le terrain auraient décidé de façon autonome de leur action ou inaction. C’est méconnaître les réalités de la chaîne de commandement, puisque l’amiral Lanxade lui-même explique : “Les forces françaises au Rwanda exécutaient les ordres qu’on leur demandait d’exécuter.” » Vingt-cinq ans après les événements, ce livre rend compte du soutien français aux forces gouvernementales rwandaises avant, pendant et après le génocide des Tutsis. Il revient sur l’ambiguïté de l’opération Turquoise qui, après avoir laissé massacrer plus d’un millier de civils sur la colline de Bisesero, a aussi laissé partir vers le Zaïre les génocidaires – qu’elle a même été jusqu’à réarmer.
Aujourd’hui encore, la plupart des acteurs politiques, quel que soit leur bord, continuent de se taire ou de nier l’implication de l’État français dans le génocide. Le combat judiciaire qui continue lui aussi pour rompre ce silence et mettre fin à l’impunité des responsables français et à celle des Rwandais suspectés de génocide – pour qui le territoire français est encore largement une terre d’asile – rencontre de nombreux blocages, parfois au coeur même de l’État.