Les vices du savoir : Essai d'éthique intellectuelle
« Être idiot ne fait pas nécessairement de vous quelqu'un de méchant, et les méchants sont souvent fort intelligents. Mais nous admettons qu'il y a des liens entre évaluations intellectuelles et évaluations morales : bien souvent les gens intelligents sont bons et justes, et être bête prédispose à la méchanceté.
Aristote soutenait qu'il y a une unité des vertus et que si l'on en a une, on les a toutes. Il admettait aussi qu'il y a une unité des vices. Mais si l'on reconnaît cette unité, comment peut-il y avoir une éthique proprement intellectuelle, qui porte sur notre savoir, qui soit distincte de l'éthique tout court, qui porte sur nos actions ? »
L'éthique intellectuelle n'est pas une simple application aux oeuvres de l'esprit de l'éthique qui vaut pour nos actions. L'éthique intellectuelle se fonde en effet, montre Pascal Engel, sur la nature même du jugement et de la croyance. Elle permet de comprendre ce qu'il y a de spécifiquement condamnable dans « le plagiat, la fraude scientifique, l'usurpation de compétences, la création d'officines pseudo-scientifiques ou l'utilisation des institutions de savoir à des fins de prosélytisme » .
C'est grâce à elle que nous pouvons légitimement blâmer nos intellectuels d'être souvent « irresponsables et vaniteux, nos journalistes sans scrupules, nos médias et nos «réseaux sociaux» pourris et trompeurs à l'échelle planétaire, nos écrivains filous, nos professeurs incompétents, nos étudiants paresseux, nos académiciens corrompus ».
Dégageant aussi bien ce qui fonde la valeur de la connaissance que la nature de la bêtise, de la sottise, du snobisme et du mépris intellectuels ainsi que celle de la foutaise et du mensonge en politique, l'auteur soutient que « parler de normes de la raison, d'éthique du savoir et de vertus intellectuelles n'est pas un discours qu'on doit réserver aux cloîtres, aux églises, aux chapelles et aux temples, ou même aux Temples robespierriens de la Raison et aux discours de distribution des prix sous les préaux de la République. C'est affaire de santé mentale, de décence spirituelle, et d'idéal. » Montrant qu'on peut être blâmé pour ses opinions même si on ne les forme pas à volonté, élucidant en quoi consistent les raisons de croire et à quelles conditions elles justifient nos croyances, Pascal Engel éclaire la nature des vertus et des vices intellectuels.