Tout le monde est infidèle
André Halimi : Françoise Sagan, quand on a parlé avec vous d'entretiens... d'abord au départ on vous a téléphoné... on vous a dit « on va faire des entretiens avec vous ». Au départ « entretiens » ça a dû vous ennuyer, le mot « entretiens », non ? Françoise Sagan : Non, m'entretenir avec quelqu'un, ce n'est jamais ennuyeux si ce quelqu'un est amusant. A. H. : « Entretien », ce n'est pas sérieux comme mot ? Ça n'a pas un côté rigide « entretien » ? F. S. : Ça a un côté un petit peu formaliste. Oui, ça a un côté un petit peu... « Entretiens » ça fait un peu... A. H. : France Culture... F. S. : Entretien avec... Non, pas France Culture. Ça a un côté : « Nous allons nous entretenir d'un sujet ». Voilà, ça a un côté posé... Poser les choses. A. H. : Bon, on va bavarder un petit peu, on va s'amuser même, on ne vas même pas avoir de micro... On va parler de tout, de n'importe quoi, mais ce ne sont pas des entretiens. F. S. : Non, des dialogues, une conversation. A. H. : Une conversation. F. S. : Plus gai. A. H. : Plus gai. On s'arrêtera, on fumera. F. S. : Oui. A. H. : On prendra un verre de temps en temps. F. S. : Voilà. .../... A. H. : On ira voir à la fenêtre ce qu'il se passe, s'il y a des automobilistes qui s'injurient. F. S. : On ira regarder les pigeons. Ainsi commence cette conversation en janvier 1973 où l'intelligence mène le bal. L'évidence complicité entre André Halimi et Françoise Sagan permet à cette dernière de laisser libre court à une fantaisie derrière laquelle elle dissimulait une profondeur peu commune. En la lisant, on l'entend. Un phrasé inimitable où les hésitations et les silences ont un sens. Françoise Sagan, alors déjà auteur de neuf romans et de pièces de théâtre, évoque son oeuvre, des lectures, et la vie qui va si vite que l'on s'essouffle à la suivre.