L'Anarchie

En 1894, Élisée Reclus lit devant les francs-maçons d'une loge bruxelloise un long discours, publié l'année suivante dans la revue Temps nouveaux sous le titre L'Anarchie. Il y montre la permanence et la diversité de la démarche anarchiste, « aussi ancienne que l'humanité » : l'anarchie avance dans la négativité de tout pouvoir, fût-il « communiste », pour promouvoir la seule positivité de l'individu enfin émancipé. Reclus recense tous ceux qui, dans l'histoire passée, ont accompagné ce mouvement de libération, et il situe le socialisme dans sa filiation dialectique avec le christianisme. Il voit dans le « pandémonium » d'une fin de siècle où « Dieu s'évanouit » un encouragement pour la multitude écrasée à s'affranchir définitivement des vieilles valeurs. Les fictions de la hiérarchie (de la « sacro-sainte domination ») ne demandent plus qu'à s'écrouler et même les adversaires de la liberté et de l'égalité, conscients du peu de légitimité de l'ordre social en place, se préparent à des temps nouveaux : ils sont « convaincus d'être dans leur tort et, d'avance, ils nous livrent le monde ». C'est à la cartographie de ce monde en jachère que nous convie le géographe.