La méprise. L'affaire d'Outreau
De mai à juillet 2004, s'est tenu à Saint-Omer le procès de l'affaire Outreau : 17 personnes accusées de faire partie d'un réseau de pédophilie. Elles sont présentées comme de vrais monstres, qui vendent des enfants, les violent et parfois les tuent. Il y a là des notables, un huissier et sa femme qui vient en tailleur à des orgies dans une Cité HLM, un curé qui tient en laisse un berger allemand lubrique, une boulangère qui fait trafic de cassettes pédophiles en Belgique sous ses cartons de confiseries. Parmi ces accusés, 13 se disent innocents. Ils sont dénoncés par les 4 autres, deux couples de voisins. Mensonges ou vérité ? Qui est coupable ? Qui est innocent ? S'agit-il d'un réseau international ou d'un huis clos entre voisins ? Au fil de l'audience, le procès se retourne en une sorte d'affaire Dreyfus, version RMI et au cinquième sans ascenseur.
Le déroulement du procès devient une manière de revisiter les rebondissements de l'enquête, les méthodes des services sociaux, la vie à la Tour du Renard, quartier d'Outreau, ou de brosser les portraits de 17 accusés pris dans le tourbillon de l'affaire. Sept d’entre eux seront finalement acquittés. Dans une sorte de pirouette, ces ex-monstres seront sacrés "innocents nationaux" par le ministre de la justice qui les reçoit en grandes pompes. Six des condamnés ont fait appel.
Au delà de l'erreur judiciaire, l'affaire d'Outreau est devenu le révélateur des fantasmes et des peurs de notre époque. Le juge avait raison: Outreau est bien" l'affaire du siècle", le nôtre.