L'Homme Moïse et la religion monothéiste
Dans ces trois essais écrits, remaniés et publiés entre 1934 et 1939, et rassemblés sous forme de livre quelques mois avant sa mort, Freud applique en quelque sorte la théorie psychanalytique, élargie aux dimensions d'une anthropologie critique, à l'étude et à l'interprétation du mythe mosaïque fondateur des trois religions monothéistes. Reprenant la thèse déjà admise par plusieurs historiens d'une origine égyptienne de Moïse et de la religion monothéiste (y compris du rite de la circoncision si essentiel à la religion juive), Freud y ajoute une lecture, dérangeante pour les consciences religieuses, de la mise à mort de Moïse par les Juifs eux-mêmes, poussés à ce geste par son comportement excessivement autoritaire. Il interprète ce meurtre de la figure du père dans les termes de la psychanalyse, mais l'inscrit aussi ce faisant dans une perspective d'histoire des religions monothéistes, avec une liberté de pensée et d'analyse qui est aussi une manifestation de résistance à l'antisémitisme agressif et meurtrier qui l'a forcé à quitter son pays en catastrophe, entre le premier et le deuxième essai. La genèse paulinienne du christianisme, avec ses notions centrales de « péché originel » ou de « rédemption » apparaît comme le produit d'un « retour du refoulé » qui explique également la longue genèse du monothéisme proprement juif, passé lui aussi par des phases de latence et d'oubli de l'origine. Mais ce travail contribue aussi à la connaissance de ce qui a structuré séculairement l'idéologie antisémite.