Revue Ballast N1
Tous, nous savons être contre - les injustices ont l'éternité devant elles. Tous, nous savons montrer du doigt puis jeter en pâture. Tous, nous savons nommer les responsables - et l'eau pourra couler sous les ponts que jamais nous n'emprunterons à leurs côtés. C'est pourquoi nous préférons ne pas trop savoir : comment rassembler ?
Comment transformer l'indignation en action ? comment rendre la colère digne, comme le souhaitait le sous-commandant insurgé Marcos ? Si nous étions en mesure d'y répondre, nous n'aurions plus besoin d'écrire.
Chaque mot, au fil des pages de cette nouvelle revue (à la fois papier et numérique), assumera sa part de quête - parfois de doute. Ballast essaiera de proposer. De mettre à disposition. D'être, comme l'écrivit le sociologue libertaire Daniel Colson, une impulsion positive en se démarquant « du négatif et du ressentiment que la lutte contre les rapports de domination risque toujours de provoquer, lorsque, à partir du refus, de la rupture et de la révolte, elle ne se transforme pas aussitôt en force affirmative capable de recomposer le monde autrement, de façon émancipatrice ».
Politique nationale et internationale, philosophie, sociologie, histoire, littérature, art et poésie : Ballast s'échinera à proposer, à chaque numéro, un regard oblique sur le monde et l'époque. Portraits, enquêtes, entretiens, articles, nouvelles, poèmes - autant de formes pour y contribuer. Avec pour seule condition la pluralité des points de vue et la volonté de rompre avec cet certain entre-soi trop fréquent dans les productions radicales, universitaires et/ou militantes.
Nous intéresse le commun et non ce qui, à la périphérie, divise. Les mouvements d'émancipation ont l'art des querelles intestines : guéguerres de clans, vanités de chapelles et puretés de papier - les contestataires ploient sous les dossiers d'instruction et les licences en conformité. Nous aimons mieux méditer le testament qu'Auguste Blanqui nous légua : « Proudhoniens et communistes sont également ridicules dans leurs diatribes réciproques et ils ne comprennent pas l'utilité immense de la diversité dans les doctrines. Chaque école, chaque nuance a sa mission à remplir, sa partie à jouer dans le grand drame révolutionnaire, et si cette multiplicité des systèmes vous semblait funeste, vous méconnaîtriez la plus irrécusable des vérités : La lumière ne jaillit que de la discussion. »
Après avoir convié dans les colonnes du premier numéro des personnalités aussi diverses qu'Angela Davis, Philippe Corcuff, Aurélien Bernier, le biographe de Thomas Sankara et le poète Tristan Cabral ; après avoir publié, dans la version en ligne, Michael Löwy, Normand Baillargeon, Olivier Rolin, Jean-Claude Michéa ou encore Gérard Mordillat ; Nous proposerons aux lecteurs de ce second numéro, en écho au regard critique mais pluriel des éditions Aden depuis leurs débuts, les paroles, parfois en désaccord mais toujours enrichissantes, d'objecteurs de conscience israéliens, de poètes, d'artistes (le collectif Din Recors, composé des rappeurs Médine, Tiers-Monde et Brav), de penseurs (Christine Delphy, Jacques Rancière, Clément Sénéchal), d'écrivains (Virginie Despentes, Edouard Louis, Kaoutar Harchi), de militants et d'anonymes engagés dans le mouvement social.