L'émigration: du fait social à la coutume
L'émigration dite économique intéresse en particulier les économistes, les historiens, et les sociologues. Cependant, la permanence du phénomène dans des conditions économiques prospères désoriente ces chercheurs. De façon inédite, l'auteure pratique un décentrement disciplinaire à partir de la tradition orale (chants, contes, proverbes, croyances et rites) sur l'exemple de l'émigration macédonienne - la pechalba - sous l'Empire ottoman afin de repenser des concepts essentiels : émigration, coutume, identité et résistance. L'ouvrage décrit et analyse les conditions dans lesquelles se produit la transformation de l'émigration, fait social imposé par une situation de domination, en une coutume ritualisée, intégrée dans le système coutumier de la communauté, et réfléchit sur le sens nouveau de ce phénomène. Malgré l'absence des hommes partis en émigration et devenus des « étrangers », les paysans macédoniens sous domination ont réussi à préserver leur identité communautaire et un espace de liberté. Au moyen d'un mouvement d'aller et retour ritualisé, ils ont sauvegardé leur mode d'être social patriarcal et leurs règles coutumières. En l'occurrence, les types de domination et leur évolution importent moins que les formes cachées de résistance. L'étude repose sur la pechalba sans être circonscrite à l'aire géographique de la Macédoine, ni à l'espace balkanique : Albanie, Bulgarie, Grèce. Elle s'étend à l'Afrique, la France, la Pologne, le Portugal et la Turquie, visant à démontrer la portée transnationale et transhistorique de ce phénomène migratoire. Une approche novatrice qui permet d'appréhender autrement les migrations.