Au pays du p'tit
Le héros et narrateur de ce roman a 44 ans et il enseigne la sociologie à l'université. Il vient de publier un essai violemment anti-français (La France. Ses Pfff, ses Chhht, ses Rhôlâlââ. Ses On va pas s'emmerder, ses Y'en a qui dorment , ses Ça va comme un lundi et ses Avec ceci. Les lunettes de ses Jacques François et les barbichettes de ses Cyril Lignac. L'odeur de pieds de ses piscines municipales et de pisse des toilettes de ses cafés. Ses cadenas d'amour, ses belles paroles et ses beaux salauds.). Cela lui vaut d'être invité à l'étranger pour exposer ses thèses et lui donne l'occasion de mener à peu près tranquillement une carrière de Don Juan sur le presque retour. Car il est arrivé à cet âge, à ce moment, où certains, comme lui, se foutent de tout. Sauf, peut-être, des femmes et des voyages. Encore que. s'agissant des femmes, est-ce les aimer que de jouer avec leurs sentiments à des fi ns exclusivement prédatrices ? Quant aux voyages, si c'est par haine de son propre pays qu'il s'y livre.
On l'a compris, ce nouveau roman de Nicolas Fargues n'est pas des plus gais, ou positifs. En fait, il poursuit ici, et amplifi e, la critique de moeurs plus ou moins visible dans ses précédents romans (notamment One man show, Beau rôle, Le Roman de l'été et La Ligne de courtoisie). Mais il le fait de manière d'autant plus cruelle et dévastatrice qu'elle est brillantissime et frappe toujours là où ça fait mal. Et autant le dire sans détours : son héros est extrêmement antipathique. Non pas tant parce qu'il se livre à un véritable festival de « French bashing », sport devenu international et dans lequel il pourrait revendiquer un titre de champion, mais parce que son cynisme envers les femmes (la sienne, ses conquêtes passagères) atteint des sommets rarement lus. C'est d'ailleurs une des jolies bizarreries de ce livre que de fragiliser son propos par la mise en cause radicale de celui qui le porte. Pour fi nir, une sorte de morale sera sauve, une morale étrange, bien dans l'air du temps et comme elle-même contaminée par celui qui va la subir.