Rages de chêne, rages de roseau
Le nouveau livre de Mathieu Lindon est, à plusieurs titres, un événement.
Il est un événement dans son oeuvre, dans laquelle, tout en poursuivant cette pensée qui se nourrit des paradoxes qu'elle développe, il introduit des changements de registre et un changement de méthode sans pour autant abandonner, et c'est heureux, ce qui fait son esthétique si personnelle, cette manière de contraindre la langue et cette tonalité unique (ironie, esprit d'enfance), mais il les pousse plus loin encore.
Il est un événement dans la littérature française où l'on n'a jamais vu un tel étrange objet dont le genre est pour le moins indéfinissable - nouveau?
De quoi s'agit-il, puisqu'il ne s'agit ni d'écrire sur soi, ni d'écrire une histoire? En fait, le secret de ce livre réside peut-être dans ses premières lignes, à partir desquelles il prend un essor qui ne va plus cesser de nous surprendre:
« Tout à coup, le monde ne convient pas.
Rien de particulier ne s'est produit: semble-t-il que ça durait depuis toujours et il a dû y avoir cristallisation, sédimentation, soudain l'inadéquation saute aux yeux. Ce n'est pas plus grave que ça - à qui convient-il? Mais le monde ne convient pas et tout à coup il prend ça à coeur.
Tout à coup, il n'y comprend rien et c'est une conquête. C'est ça, la vie? Il l'avait entrevue différemment. C'est ça, l'amour, le travail, la vie en société, la société? Il y a eu la révolution pendant la nuit, l'humain a changé du tout au tout? Il ne comprend pas pourquoi il ne comprend plus ce qu'il comprenait sans problème, sans blessure.
Tout à coup, c'est une force, il n'y comprend rien. » Alors, cette incompréhension de plus en plus rageuse va devenir un moteur.