La Fille du père
« Ce que tu fais, c'est toujours comme cela avec toi, tu le fais pour mon bien. Comment, pourtant, me fais-tu aussi mal ? » La narratrice s'adresse durement à son père. Elle vient d'avoir trente ans et son anniversaire devient le prétexte pour interpeller le père. Elle voudrait pouvoir lui dire qu'elle entend enfin vivre sa vie librement. Mais cette perspective demeure confuse quand l'existence nous a été dérobée.
« Papa, je pense que nous allons nous fâcher. J'ai soutenu ton regard jusqu'au dernier mot, je venais de dire ce que toujours j'avais su, ce que je pense que nous savions tous les deux. Nous allions nous fâcher. ».
En écrivant sa douleur sous la forme d'une adresse directe, violente, parfois cruelle, mais souvent drôle aussi, la fille rappelle les souvenirs d'une vie qu'elle ne désire plus. Tout en faisant comme si l'affranchissement du père devait pourtant se réclamer. Et tout en éprouvant l'ambivalence de ce lien. Elle lui reproche la perfection qu'il exigeait d'elle depuis l'enfance.
« C'était toi et moi, écrit-elle. Or c'est précisément parce que c'était toi et moi que c'était impossible. » La narratrice pense d'abord se délivrer par le silence mais le désir de raconter est le plus fort. Écrire lui offre la permission d'une décision définitive, l'excitation d'une vie pour soi. Loin du père. Alors même que le livre lui est adressé, et se tient à la frontière floue du règlement de comptes et du cri d'amour.