Vrac
« Vrac est le livre par lequel m'est donné la possibilité de mettre enfin en langue des expériences sensibles appartenant à mon enfance et mon adolescence. Passé marqué par la confiance déposée dans la conquête nécessaire de la maîtrise du langage, perçue comme attribut d'un autre camp, maîtrise constituant la seule voie capable de conduire à l'amélioration de ce que je ne percevais pas alors très clairement comme ma condition » (Bertrand Belin).
Vrac est un archipel de fragments, poèmes, anecdotes, affirmations, adages, définitions, pensées pour tenter de dire son enfance, ses origines. Naïveté, brutalité, drôlerie, raccourcis, emphase, bêtise, tout concourt à l'édification d'un témoignage morcelé, celui de la vie de bertrang, de la famille des belin, enfant, adolescent, avatar se rêvant en « grand professeur ». Mais les normes de la langue sont malmenées, en dépit d'une ostentatoire allégeance à la beauté des formes écrites. Ce bertrang, explique l'auteur, « s'exprime par ma voix, et moi par la sienne, nous exposant aux autres, en réponse à un désir puissant de clarté enjambant les décennies. » Les dégradations que subit la langue dans Vrac (grammaticales, syntaxiques, maladresses, boursouflures, lyrisme fané, néologismes) sont au service d'une confrontation directe avec la jeunesse et l'enfance de l'auteur, marquées par la rudesse des rapports sociaux, familiaux, par le spectacle de l'étrange vie des autres (familles, camarades, télévision). Vrac singe les formes existantes de littérature du fragment sans aucune ironie, de bonne foi, par admiration et dévotion, use des ressources bouleversantes de la naïveté, au service d'un témoignage, d'un aveu, d'une parole impossible à garder.