Mue
Ce livre, écrit juste avant sa mort, pendant sa maladie, constitue un testament amoureux destiné à Chet, son mari, autant qu'à leurs deux enfants, alors âgés de quelques courtes années. Le titre anglais, Fledge, évoque l'apprentissage du vol par les oisillons, la sortie du nid, ou le moment où ils se couvrent de jeunes plumes, leur mue. Poèmes particulièrement adressés, donc. Particulièrement tendres. Tout le volume fonctionne par paires contiguës, par effets de ressemblance ou dissemblance. Il s'agit souvent de distinguer l'un de l'autre, ou de les superposer. Chacun de ces binômes est traversé par la fracture qui produit deux Stacy, celle d'avant et celle d'après la maladie ; par la souffrance et par la difficulté pour la première de s'ajuster à la nouvelle : « ma façon d'être autre-/ment, si autrement. »
Le livre bénéficie d'une co-traduction de deux poètes français, très proches de Stacy Doris et de son travail : Pierre Alferi et Anne Portugal. Traduction qui privilégie le vers de cinq pieds, bannissant les mots longs, usant de monosyllabes, plutôt rares et peu usités en français. Pour rendre l'apprentissage du mot veuf, de l'impair du veuvage que l'autrice anticipe et prépare dans ses vers, moteur puissant du recueil, générateur d'outretombe d'une douceur-douleur inouïe.