Nu-propriétaire
« Je n'ai rien su posséder de ce côté-ci du monde, et je n'ai rien amassé des sentiments qui me traversent. Alors pourquoi chercher à recoller les choses comme si elles n'étaient pas brisées ? À croire que l'écriture m'aide secrètement à rassembler les tessons épars de mon existence. ».
Tout part d'une phrase entendue dans Les Deux Anglaises et le Continent, le film de François Truffaut adapté d'Henri- Pierre Roché : « La vie est faite de morceaux qui ne se joignent pas. » ; le narrateur, double de l'auteur, se sentant, du fait de ce morcellement, étranger à sa propre existence, comme s'il n'en était que le nu-propriétaire.
Le texte est composé de dix chapitres qui tentent de reconstituer - malgré les ellipses - le fil d'une existence, depuis la fin des années 1950 jusqu'au tout début des années 2010.
Pour donner vie aux différents fragments d'existence qui entrent dans la composition de ce roman, dans son travail de reconstruction mémorielle et de falsification, le narrateur s'appuie sur des éléments extérieurs : une chanson, un morceau de musique, un roman, un poème, autant de marqueurs sur lesquels la mémoire est parvenue à se fixer, et qui témoignent chaque fois de l'époque évoquée.
Au coeur de ce dispositif, un personnage de femme s'impose peu à peu, créant ainsi le lien entre les différentes séquences.
Dès lors, le véritable sujet du roman se fait jour : l'histoire d'un homme qui, ayant quitté la première femme qu'il a aimée, nourrit depuis le sentiment d'échapper à sa propre vie. Poursuivi par l'idée de la culpabilité, d'autant que l'intéressée est morte d'un cancer au début des années 2010, le narrateur tente bien tardivement de lui aménager une place centrale dans son existence, rétablissant pour l'occasion un semblant de cohérence dans un parcours à l'évidence erratique.