L'Appartement
« Depuis combien de temps je suis ici ? Les bruits de la ville me parviennent, irréels, comme estompés par la distance. Qu’importe le froid : protégé par les épaisseurs de vêtements et solidement ficelé dans mon antique robe de chambre, je résiste vaillamment au passage des heures. Une atmosphère de naufrage règne sur les lieux. Les tâches sur le parquet, les tapis crasseux, les faibles reflets sur l’argenterie ternie ; c’est comme si le temps s’était figé, laissant paraître le vrai visage de l’appartement. »
C’est l’incipit du roman de Sébastien Brebel. Le narrateur partage un appartement avec sa soeur, Léonie. Appartement typiquement haussmannien, dans lequel on ne risque pas d’étouffer et où on peut rester enfermés des jours entiers, et où frère et soeur vivent « comme deux grands enfants, deux adolescents effroyablement repliés sur eux-mêmes et livrés à l’alchimie fantasque de leur entente. » Auparavant, le narrateur avait vécu dans des appartements insalubres, des logements miteux et mal isolés, des placards, mais dans lesquels il n’avait pas été si malheureux. Il n’aurait rien connu d’autre, si sa soeur ne l’avait pas traîné de force jusqu’ici.
C’est le récit étrange d’un enfermement volontaire (« la civilisation ne me manquait pas »). D’une catastrophe annoncée, une sorte d’apocalypse qui vient, alors même que la situation du narrateur s’est objectivement améliorée. Mais la soeur quitte un jour l’appartement. Un déluge s’abat sur la ville jusqu’à pénétrer dans l’appartement et l’inonder.