Sous tant de paupières : Bergman avant la mondialisation des écrans
Un journal en films.
Au cours de la période située autour du nouveau millénaire, le cinéma, qui changea beaucoup au cours de ces années-là, pénétra dans la maladie de la mort. L’arrivée du numérique supprime ce qui fut son
indispensable support de base, la pellicule sur celluloïd qu’il fallait transporter comme des caisses de savon. L’époque des salles obscures qui ne comptaient, au mieux, qu’un seul film hebdomadaire (ou deux) au coeur d’une ville moyenne, paraît lointaine : la multiplication des programmes, surtout à travers les petits écrans de la télévision, a presque noyé le nombre des grands pays producteurs, même si les Etats-Unis continuent de dominer la situation tandis que les cinéastes ont fait sauter les genres, définis autrefois de manière formelle (nous parlons de la fiction documentaire ou des documentaires fictionnels, et n’oublions pas la projection avec un téléphone portable).
La saturation des titres en tous genres s’affiche à l’entrée des salles, sur les rayons ou dans les inventaires des magasins ou bibliothèques de vidéos, mais d’abord par les listes que proposent les chaînes de télévision qui gomment la moindre distance entre le marché, stupéfiant, et le septième art, absent. Le langage du cinéma ne relève plus de ce que le regardeur voit ni de ce qu’il entend, mais d’une autre dimension qui relève sans doute de rythmes et de l’invention transmise par des subtilités de scénario variées avec exactitude voire, au bout du compte, avec un minimum d’inspiration ; trop de metteurs en scène, attirés par les flonflons du succès et les rêves d’argent, se contentent facilement de leur statut social que portent, magazines à l’appui, les faciles attraits de ce qui fut accompli pendant un siècle, venu du côté d’Hollywood, puis d’ailleurs.
Un essai percutant par le fondateur de la Cinémathèque suisse, critique et écrivain Freddy Buache.