NAISSANCE DE L'HUMAIN EN PEINT

« Comment saisir le vivant d'hier, comment attraper la fugitive corporéité ? La trace à exploiter doit être une production conditionnée par la physiologie de ses contemporains, être un produit de la vie par opposition d'un reste de la mort et enfin être analysable aujourd'hui selon des critères éventuellement anachroniques. Notre propos sera moins noble mais tout aussi fondamental : la matérialité de l'homme, sa chair et son sang. Dans ce questionnement sur la permanence de l'humain, exploiter une représentation comme source est plus hasardeux. Notre première piste porte sur le vieillissement. Cette notion est très différente du suivi des durées de vie, des âges de la mort à travers les siècles. C'est la vie avec la peau parcheminée, avec les douleurs articulaires qui nous intéressent. Alors, une interrogation domine : vieillit-on plus ou moins vite aujourd'hui qu'hier malgré des mortalités radicalement différentes. En d'autres termes, le vieillissement est-il un phénomène stable dans l'histoire ? Notre seconde piste est la maladie. Un diagnostic permet de dépasser tous les archétypes, tous les topos peints. La découverte d'une pathologie d'aujourd'hui, inconnue hier du sujet comme de ses médecins, cohérente avec le savoir moderne et avec les données biographiques certifie la pertinence de l'observation, du document, de l'information. Elle révèle l'homme concret. Elle nous intéresse d'autant plus qu'elle était incomprise, non identifiée à l'époque, où s'est constitué notre document. La démarche n'a rien d'artistique. Notre matériel expérimental sera l'homme fait peintre et notre enquête nous conduira à explorer son travail, sa vie, sa vieillesse, ses maladies. Le présent livre se garde d'être un traité d'histoire, cette quête de la corporéité de l'humain est une problématique d'épistémologie médicale appliquée à l'Art.