Courbet une révolution érotique

Auteur : Thierry Savatier
Editeur : Bartillat

Scandales et censures ponctuèrent la carrière du peintre Gustave Courbet. Dans un XIXe siècle inspiré par une Idéalisation esthétique supposée élever l'âme du public, que définissaient de stricts codes formels, son Réalisme choquait, tant par le choix des sujets traités que la manière de les représenter. Au cœur de cette France dominée par les valeurs bourgeoises puritaines, construites en réaction au libertinage artistique du Siècle des Lumières, seul le Nu académique, froid, lisse, artificiel – garant d'une " nudité presque sacrée qui fait taire les sens ", diront les frères Goncourt – était socialement acceptable. Gustave Courbet allait bousculer cet ordre esthétique et moral en proposant, en lieu et place des déesses ou des muses, la représentation de femmes nues bien réelles, naturelles jusque dans leurs imperfections physiques, chargées d'une sensualité troublante, dérangeante. Passant outre les alibis thématiques convenus, le peintre s'attacha à composer une scène érotique transgressive qui, des portraits aux scènes de genre, plaça la Femme de son temps au centre des débats. L'importance qu'il accorda notamment au saphisme, à travers un réseau d'images explicites, montre l'audace dont il savait faire preuve. Défi à la société patriarcale du Second Empire, la lesbienne occupaiten effet une place ambivalente : menace contre l'ordre établi fondé sur le mariage fécond et le refus de l'émancipation des femmes, elle demeurait aussi l'objet récurrent de fantasmes masculins, mis à la mode par la littérature et la poésie, ce qui la rendait d'autant plus sulfureuse. Sans doute l'œuvre la plus célèbre de Courbet est-elle L'Origine du monde, aboutissement d'une démarche intellectuelle qui restituait au corps de la Femme ce sexe matériel dont l'art, depuis la Grèce antique, l'avait privé ; cependant, d'autres toiles concentrent une charge libidinale tout aussi puissante aux yeux de qui sait les regarder. Pourquoi le modèle nu debout près du chevalet, dans L'Atelier du peintre, possède-t-il une surprenante connotation érotique en dépit de sa pose plutôt sage ? Pourquoi les Demoiselles des bords de la Seine, pourtant vêtues, sont-elles déshabillées ? Quels indices le peintre avait-il dissimulé dans certains de ses tableaux pour suggérer que ses héroïnes venaient de ressentir une jouissance sexuelle récente ? Autant d'interrogations qui sont ici abordées, à travers la quarantaine de toiles qui composent l'œuvre érotique du peintre, dont certaines sont inédites. Mais interpeller le public, à travers des représentations licencieuses, pose la question de l'intentionnalité de l'artiste. Courbet était-il, comme l'affirma le philosophe Pierre-Joseph Proudhon, un moraliste moralisateur qui se servait de la scène érotique pour dénoncer " les abominations de son temps " et inviter ses contemporains à la contrition ? Etait-il cet homme " chaste " et " vertueux " que dépeignit le critique Jules-Antoine Castagnary ? Ou bien fut-il un artiste profondément subversif, un insurgé de l'art, libertaire, animé de la volonté de transgresser les interdits pour desserrer le carcan de l'ordre moral ? L'examen de sa correspondance et de témoignages de ses contemporains permet, dans ce livre, d'éclairer cet aspect fondamental de sa personnalité.

24,00 €
Parution : Mai 2014
218 pages
ISBN : 978-2-8410-0561-1
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