Toxicologie wagnérienne
Wagner est une maladie, qui a vite pris un essor pandémique : Nietzsche a été le premier à le dire, confirmé par Barrès, Claudel, Thomas Mann et tant d'autres. Dès la création du Festival de Bayreuth, les écrivains n'ont cessé d'être fascinés par cette formidable machine à jouir, dont la foncière obscénité est dédouanée par les plus hautes garanties de l'Art total, qui, ainsi que nul n'en ignore, élève et purifie tout ce qu'il touche. Église, bordel et hôpital tout ensemble, non seulement on n'a pas honte d'y aller, mais on s'en vante, l'équipée sexuelle camouflant ses spasmes inavouables dans le noble drapé du sacrement et de la cure. On en espère la grâce ou la guérison, mais on vient surtout pour s'offrir sans avoir à rougir au mascaret érotique que fait déferler une musique dont on dirait qu'elle est la première, et peut-être la seule, à pousser à ce point littéralement inouï la capacité de l'expression sonore à exprimer et susciter le désir.
Au-delà de leurs variations, les textes littéraires ici analysés ont tous en commun de présenter des exemples de ces pathologies que provoque l'oeuvre wagnérienne, censée pourtant y remédier. C'est toute l'ambivalence de ce que les Grecs appelaient pharmakon : à la fois ce qui inocule le mal et en délivre.
Parmi les auteurs évoqués, on retrouve : Élémir Bourges, Robert Godet, Péladan, Gabriele D'Annunzio, Teodor de Wyzewa, Blasco Ibanez, Henry Céard, D.H. Lawrence, Arthur Schnitzler et bien d'autres encore...