"Pour moi, dit-il, hélas, j'écris avec des ciseaux." : Via di levare
" La poésie, pour Jean-Paul Michel, est un vigoureux geste intérieur, bataillant au plus fort de l'inquiétude, cherchant et trouvant "l'or" d'une existence crue dans la turbulence même, " l'ordre et le désordre " de l'énergie créatrice, au-dedans et au-dehors. La poésie, loin d'un affaissement en quelque impuissance assumée, des modes résiduels de la crainte et de la mélancolie, affirme de cette manière son audace, reconnaît sa puissance, donne pouvoir à sa capacité de "saluer", n'hésite pas devant la libre, l'honnête, la réjouissante "folie de nommer". Affirmation, amour peuvent permettre un élèvement, une accession au "tout de l'être en sa fraîche présence", un embrassement lyrique de la consciemment et viscéralement choisie profusion des manières "contraires" de ce qui est : "Nous naviguons sur un vaisseau superbe et/nous pleurons". Voici notre erreur : un refus intellectualisé de reconnaître et d'admettre dans nos équations ontologiques les splendeurs de l'existence, mêlées comme elles peuvent l'être aux énergies violentes de la beauté de ce qui est. "Manquer à la joie", écrit Michel, "c'est manquer à l'être". Notre première fin demeure donc de restaurer en nous-même notre capacité de défi et de confiance dans la célébration, rendant de cette manière aux choses simples leur rayonnement intrinsèque. L'œuvre de poésie suffirait à cela si elle parvenait à "ca/dencer tant/de splendeur hors tout sens ". [...] La célébration (poétique et quotidienne, gestuelle) de ce qui est - tout, chaque chose, avec toutes ses paradoxales manières "contraires" - n'est pas tant un "calcul" strictement rationnel ou rationalisant qu'une " brûlure ", selon les termes même de Michel : une passion, les flammes d'un désir, une intensité, une aveuglante, instinctive consomption d'être - laquelle, pensée au-delà de toute "signification", produit un profond sens émotionnel et ontologique. Aimer est, ainsi, le seul geste "nécessaire", donnant valeur, faisant face à tout " mal " que nous pouvons sentir " mordre " en nous. [...] Il faut lire Michel. On exulte. " Michael Bishop World Literature Today, 77:2, July-September 2003