Coresus et Callirhoe de Fragonard
Fascinant pour les uns (la fortune critique ici rassemblée en témoigne), déroutant voire repoussant pour les autres, le Corésus et Callirhoé de Fragonard est une de ces peintures que l'on exhausse, sans doute avec raison, au rang de chef-d'œuvre pour n'avoir jamais réussi à les circonscrire ni par le sens du goût ni par les moyens de l'esprit. Curieux et beau tableau né de nulle part ou bien du délire d'un Diderot trouvant ici le complice idéal de ses rêves d'instauration picturale, ce chef-d'œuvre par lequel le peintre le plus aimé du XVIIIe siècle obtint son agrément académique et sa reconnaissance publique n'a rien des bluettes bigarrées qui ont fait la réputation de l'époque de la philosophie du sentiment: c'est un drame, un crime, une tragédie exaltant la suprême beauté de la ronde toxique du désir, de la haine et de la mort par les recherches fiévreuses d'un pinceau à la fois puissant, hésitant et cultivé. Une visite de ce laboratoire pictural de l'émotion et du doute s'imposait donc, et c'est à celle-ci qu'invitent les cinq études rassemblées ici, quitte à ce que le cher siècle des Lumières en ressorte un peu plus asphyxié par les irrationnelles exhalaisons de la spiritualité et du langage de l'art.