La beauté dès le premier jour
"La beauté, oui, que j'ai toujours cru reconnaître au coeur des émotions dont témoignent les grandes oeuvres, et que je crois donc une réaction, un sentiment, tout à fait originels dans l'être humain, mais que je vois bien que j'ai encore à comprendre.
La beauté? Je l'ai aimée dans des rêves, mais alors en dénonçant ceux-ci comme du rêve, précisément, d'où suit qu'en eux la beauté n'est peut-être pas la vraie, au mieux son ombre : comme ce fut le cas à travers les siècles dans les incessantes reprises du platonisme en architecture, en sculpture, plus rarement en peinture (...) Mais j'ai perçu aussi la beauté, comme cette fois un paradoxe, dans des oeuvres qui violemment l'ont mise en question, déniée, dénoncée, voire assimilée au mensonge, ainsi au mal: le plus extrême de ce retournement de l'esprit contre ses tentations les plus spontanées étant chez Goya ses "peintures noires", qui ne l'ont pas empêché pourtant de la reconnaître, de l'aimer à nouveau, de la relever, dans des portraits de femmes contemporains de ces oeuvres désespérées.
Rêve, étonnement, déni, reconnaissance d'un fait de conscience qui résiste à tous les dénis (...) Le mot "beauté", je lui attache du sens, une raison d'être. Je sens même, dirais-je, que je lui fais confiance, obstinément, pour un avenir dont je ne veux pas désespérer."