Le Sourire de l'ange
Joseph Vidal, orphelin de seize ans, débarque dans une cité de la banlieue mulhousienne, où vit son grand-père maternel qu’il n’a jamais rencontré. Tout sépare le vieil homme et l’adolescent. Le premier est un rescapé des camps nazis qui a rejeté en bloc le judaïsme, le second un jeune Israélien, citoyen d’une démocratie plus que d’un Etat juif. Entre eux plane le fantôme de la génération intermédiaire.
Joseph qui très vite s’appellera Pierre sur les conseils de son grand-père fait alors l’expérience d’un monde aux antipodes du sien. À la maison, il ne comprend ni les peurs, ni le silence de son grand-père; il ignore ce que peut être un ancien déporté en diaspora. Il fuit cet enfermement dès que possible, mais à l’extérieur, la vie n’est pas plus rose. Le quartier lui fait l’effet d’une prison, et ses lois, trempées de sexisme et de racisme, le révoltent.
Au lycée, il se lie d’amitié avec Mélik. Ensemble ils font des virées en ville et passent des soirées au « château ». Joseph a le sentiment de revivre. S’il ne s’amuse pas vraiment, au moins réussit-il à mettre entre parenthèses le souvenir de ses parents.
Mais les événements au Proche-Orient s’enflamment. En France, les relations entre les communautés juives et musulmanes se dégradent. Joseph, qui se sent plus Israélien qu’israélite, ne se croit pas visé. Il ignore que personne ne s’embarrasse de cette distinction. Les actes antisémites se multiplient, les vieux démons du grand-père resurgissent et l’adolescent s’inquiète. Est-ce lui que l’on insulte, lorsqu’on crie « sale feuj » dans la rue ? Est-ce son pays que l’on provoque, lorsque des boucheries casher sont vandalisées, que des cimetières juifs sont profanés ?
De nouveau mis en quarantaine, Joseph devient le symbole du « nazi Sharon », le colonialiste, l’homme à abattre. Mais l’adolescent n’a pas encore perdu ses illusions. Il croit en la France. Il décide de s’en remettre aux mains de ses professeurs. « Nous n’avons pas les moyens d’assurer votre sécurité, je vous conseille de vous inscrire dans une école juive ! » s’entend-il répondre.
L’avion qui atterrit à Jérusalem porte en lui un athée et un Israélien, que la France a rendu juif Un roman d’apprentissage, qui éclaire d’un jour réaliste un problème de société, avec subtilité. Le talent de la jeune romancière s’affirme ici dans un roman d’une inspiration encore une fois renouvelée.
Faire à quelqu’un « le sourire de l’ange » consiste à lui taillader au rasoir les commissures des lèvres.
Une variante se répand aujourd’hui à la sortie des boîtes de nuit dans certains quartiers : on verse du citron sur la blessure et, la victime ne pouvant s’empêcher de hurler, se déchire les joues jusqu’aux oreilles.
Tel est le sort réservé dans le roman à l’un des protagonistes.