Mehdi met du rouge à lèvres
« Un petit garçon s'habille en fille. Quand on le surprend, il rougit ; en attendant que l'enfance passe sur ses joues. Il s'appelle Mehdi. » Un garçonnet pas comme les autres. Jugez‑en : « En plus, il a des manières de fille. Elles sortent toutes seules. Elles lui échappent des mains. Il est trop tard quand il essaie de les rattraper. Mehdi ne peut pas refaire une même manière à l'envers et la remettre dans sa cage. »
On imagine les questions qui fusent ; les normes qu'on lui renvoie, le peu, de cas qu'il en fait, lui qui préfère contempler les femmes que les footballeurs, sait que les pompiers font du bouche à bouche, raffole des coquelicots « qui fleurissent avec du sang », du rose bonbon et des marrons glacés, de la voix d'Oum Kalsoum aussi, « qui fait pleurer les Arabes à cause de l'amour », et joue à « s'ennuyer pour de faux » pour pouvoir « rêver tranquillement tout seul »...
Éloge de la tolérance, du nécessaire écart pour que la vie soit riche : « C'est pas pareil depuis que Mehdi est là. Et quand, il n'est pas là, c'est pas pareil non plus. Pourvu qu'il reste pareil, pour que ce soit toujours pas pareil. »
Troisième titre de Daniel Dumortier accueilli dans la merveilleuse collection des « Poèmes pour grandir », Mehdi met du rouge à lèvres ne choquera que ceux qui n'entendront pas la vraie raison de son maquillage (« pour que mes bises restent plus longtemps sur toi ») et s'effraieront de cette sérénité sans fard à en user chaque jour sauf pour Mardi Gras.