Le duc d'Aumale : L'étonnant destin d'un prince collectionneur
Cinquième fils de Louis-Philippe, roi des Français, le duc d'Aumale est en 1843, à vingt et un ans, un jeune général auquel la prise de la smala d'Abd el-Kader, en Algérie, laisse entrevoir un destin national. Cinq ans plus tard, son élan se brise net sur les barricades parisiennes. Contraint à l'exil avec sa famille et ses partisans, le duc fustige moins la République que Napoléon III. Assumant sans complexe l'héritage de l'Ancien Régime comme de 1789, il est alors un libéral qui combat l'Empire sans combattre la France, depuis sa demeure anglaise d'Orleans House. A sa disparition, en 1897, l'œuvre qu'il laisse n'est pas politique. Rentré d'exil, le duc a déçu les espoirs des monarchistes. L'expatriation, la mort de ses fils, sa radiation des cadres de l'armée ont pu décourager son " idée de la France " : fière de son passé, confiante en l'avenir. Mais il savait qu'il lui lèguerait un trésor : le manuscrit enluminé des Très Riches Heures du duc de Berry, des toiles de Raphaël, de Poussin, de Watteau, des dessins de Clouet, entre autres œuvres passionnément amassées au château de Chantilly, et qui font du Musée Condé la deuxième plus grande collection d'art français après celle du Louvre. C'est le destin contrarié de ce " grand Français " que retrace Eric Woerth, celui d'un académicien, collectionneur, patron de presse, député et soldat fidèle à la nation, fidèle à la démocratie, fidèle à sa famille, qui ne concevait pas le progrès sans autorité, l'opposition sans loyauté, ni la France sans grandeur.