Kolokolamsk et autres nouvelles fantastiques
Un gentleman inconnu des habitants de Kolokolamsk fit son apparition Grand-rue de la Cellule syndicale dans la matinée du dimanche. Il portait un costume de cheviotte rose et une cravate étoilée. Un arôme de pampas émanait de lui. Tout désemparé, il tournait la tête de côté et d'autre et des larmes nacrées dues à l'attendrissement coulaient sur son visage replet. Le gentleman à l'allure extravagante était suivi d'un chariot recouvert de valises multicolores que poussait devant lui l'un des porteurs de la gare.
Parvenu place du Membre, le cortège s'arrêta. La vue qui s'offrait de là sur la ville de Kolokolamsk et sur l'Arnache qui l'enserrait de ses anneaux était si enchanteresse que le gentleman rose redoubla bruyamment de pleurs. Le porteur, par courtoisie, étouffa un sanglot qui répandit aux environs une asphyxiante odeur de vodka.
Ils en étaient là une heure plus tard lorsque môssié Lauthentique, président du pseudo-artel familial Litchtroud, traversa à son tour la place du Membre en vaquant aux affaires de l'artel. S'arrêtant à dix pas de l'inconnu, Lauthentique lui demanda, tout étonné
- Pardonn, sir, mais où avez-vous dégotté un tel kostioum ?
- À Buenos Aires, répondit le gentleman pleureur...