Red Jazz ou la vie extraordinaire du camarade Rosner
J'avais demandé mon transfert à Magadan dans l'espoir de bénéficier d'une réduction de peine et je m'étais habitué à l'idée de travailler dans les mines. Mais ma réputation m'avait, comme d'habitude, précédé. " La Trompette d'or " du jazz soviétique était déjà attendue. Je me suis donc retrouvé sur la scène de ce théâtre qui, par l'énormité du bâtiment et la qualité de la troupe, égalait les plus célèbres théâtres d'Union soviétique. Dans cet univers, il y avait d'un côté ceux que les zeks appelaient les " Hamlet ", les acteurs, de l'autre, les " Mozart ", les musiciens. Je fus surnommé le " Mozart des Mozart ". Au bout de deux semaines, j'avais déjà fondé mon deuxième jazz band au goulag. Chaque trimestre, mon orchestre donnait jusqu'à cent vingt concerts - la plupart sur place, le reste dans d'autres camps. La Trace, cette route qui traverse la Kolyma de part en part sur des milliers de kilomètres, reliant un camp à l'autre, était mon Broadway.