La pub nous prend pour des cons, la pub nous rend cons: Hara Kiri (1960-1985)
Le premier numéro du mensuel Hara-Kiri paraît en septembre 1960, c'est à dire pendant la décennie qui vécut une croissance fulgurante pour la publicité, en plein essor dans la presse écrite, comme à la radio et très bientôt à la télévision. La réclame, qui bat son plein avec son lot d'arguments naïfs pour ne pas dire navrants, fait surgir des enzymes gloutons des paquets de lessive et métamorphose les chips en Blondes à croquer...
Ces trompettes de la renommée qui s'appliquent impunément à faire croire au public que les vessies font de merveilleuses lanternes irritent les francs tireurs d Hara Kiri.
«La publicité nous prend pour des cons, la publicité nous rend cons», proclame le journal avec sa diplomatie légendaire. Les fougueux rédacteurs du journal, Cavanna en tête, dénoncent la publicité en la présentant comme la future aliénation d'une société de consommation qui s'éveille : il faut abattre la bête !
Et tandis que les marques s'efforcent de composer avec soin un monde idéal supposé le plus attractif possible, le bras vengeur d'Hara Kiri invente le détournement de publicité. Une mise en garde lucide et visionnaire.
Affreux, méchants et bien entendu drôles, les protagonistes de ces falsifications outrancières transgressent tous les interdits du genre publicitaire dans un maelström de provocations où l'absurde et le saugrenu rivalisent volontiers avec l'indélicat. Dans cette entreprise de destruction sauvage, les produits en prennent pour leur grade, mais c'est également les mécanismes de la publicité qui sont joyeusement éreintés, l'envahissement des marques non seulement sur nos écrans mais aussi sur nous-mêmes, le racisme des campagnes qui normalisent les blondes, les jeunes, les riches, le faux progrès vanté par les annonceurs...
Tout ça pour rire bien entendu, mais aussi pour réfléchir un peu... Ce qui après tout est toujours bon à prendre !